Premier dimanche de l'Avent

Temps liturgique: Avent
Année liturgique: C
Date : 28 novembre 2021
Auteur: André Wénin

 

« Seigneur, enseigne-moi tes voies, fais-moi connaître ta route. 
Dirige-moi par ta vérité, enseigne-moi : tu es le Dieu qui me sauve. »

(Psaume 25,4-5)

Promesses de salut (Jérémie 33,14-16)

Voici venir des jours – oracle du Seigneur – où j’accomplirai la parole de bonheur que j’ai prononcée sur la maison d’Israël et sur la maison de Juda. En ces jours-là et en ce temps-là, je ferai germer pour David un Germe de justice, et il exercera dans le pays le droit et la justice. En ces jours-là, Juda sera sauvé, Jérusalem habitera en sécurité, et voici comment on la nommera : « Le-Seigneur-est-notre-justice. »

Les oracles rapportés dans le livre de Jérémie sont en bonne partie des paroles de condamnation. Les royaumes d’Israël (au Nord du pays) et de Juda (au Sud) se sont éloignés de l’alliance avec le Seigneur, gravement et de façon répétée, malgré les nombreux avertissements des prophètes que Dieu a envoyés. Mais puisque l’alliance est destinée à garantir la vie et la liberté du peuple qui s’y est engagé librement, s’en éloigner c’est inévitablement choisir l’esclavage et la mort. Ce que font les oracles de condamnation (souvent dits « de malheur »), c’est donc moins annoncer des châtiments divins qu’expliciter, en les déployant concrètement, les conséquences de mort des choix erronés du peuple, mal orienté par ses dirigeants.

L’oracle proposé ce dimanche se lit dans la partie finale d’une section du livre que l’on nomme volontiers « Livret de la consolation ». Il comprend les chapitres 30 à 33 et contient notamment le célèbre oracle de la « nouvelle alliance » (31,31-34). C’est ce genre d’heureuse annonce que désigne l’expression « la parole de bonheur que j’ai prononcée sur la maison d’Israël et sur la maison de Juda » (où le singulier du mot « parole » peut viser l’ensemble des oracles de salut de ce « livret »). Lire ces quelques pages donnerait évidemment davantage de corps à ce que le Seigneur annonce d’en­trée de jeu à Jérémie. Il lui demande même de l’écrire car à ce moment, Israël et Juda sont plongés dans le malheur. Quand le Seigneur mettra fin à ce malheur, l’écrit témoignera qu’il a agi conformément à ce qu’il a annoncé par son prophète. Cela montrera combien il est fiable (30,1-3).

Parole adressée à Jérémie par le Seigneur : « Ainsi parle le Seigneur, le Dieu d’Israël : Écris pour toi dans un livre toutes les paroles que je t’ai dites. Car voici venir des jours – oracle du Seigneur – où je changerai le sort de mon peuple déporté, Israël et Juda, dit le Seigneur ; je les ferai revenir dans le pays que j’ai donné à leurs pères, et ils en prendront possession. » 

Ne pouvant regarder l’ensemble du « livret de la consolation », je me contente ici de quelques éléments du chapitre 33 pour mieux situer les quelques lignes de la lecture. Il commence par situer le moment où le Seigneur transmet le message qui suit à Jérémie. Jérusalem est dans la tourmente, car la puissante armée des Babyloniens n’est pas loin. Or, Jérémie a dit et répété que l’invasion de ces ennemis était voulue par Dieu à cause des infidélités de son peuple. Il est donc nécessaire, selon le prophète, de se soumettre aux Babyloniens. Mais le roi et ses ministres ne veulent pas écouter. Pour eux, résister s’impose. Ils accusent Jérémie de démoraliser le peuple et l’emprisonnent, dans le but de le faire taire. C’est alors le Seigneur lui adresse la parole et lui révèle le projet qu’il poursuit, lui qui est aux commandes des événements en cours (33,1-3).

Dans un premier temps, le roi et la ville de Jérusalem vont vouloir résister à l’assaut de l’armée ennemie. Résultat : ils rempliront les maisons et les palais déjà démolis « des cadavres des gens que j’aurai frappés dans ma colère et ma fureur, car je cache mon visage à cette ville à cause de toute leur méchanceté » (v. 4-5). Une façon de dire que ce carnage dû à l’obstination des humains qui se lancent dans un affrontement inutile n’échappe pas au contrôle de Dieu. En « détournant son visage de Jérusalem » qu’il abandonne ainsi à son triste sort, il sanctionne le mal dont elle se rend coupable depuis si longtemps. Mais une fois le malheur consommé, le Seigneur n’entend pas en rester là (v. 6-11) :

Je vais donner [à Jérusalem] santé et guérison, je les guérirai et leur ferai voir à profusion la paix et la stabilité. Je ferai revenir les déportés de Juda et d’Israël, je les rétablirai comme autrefois. Je les purifierai de toute la faute qu’ils ont commise contre moi et je pardonnerai toutes les fautes qu’ils ont commises contre moi, en se révoltant contre moi. [Cette ville] deviendra pour moi un nom d’allégresse, une louange et une parure, devant toutes les nations de la terre, quand elles apprendront tout le bonheur que je vais leur donner. Elles frémiront, elles trembleront à cause de tout le bonheur et de tout le bien-être que je vais lui donner.

Ainsi parle le Seigneur : Dans ce lieu dont vous dites : « C’est un désert sans hommes ni bêtes ! », dans les villes de Juda et les rues de Jérusalem dévastées, sans habitants, hommes ou bétail, on entendra de nouveau les cris d’allégresse et les cris de joie, la voix de l’époux et la voix de la fiancée, la voix de ceux qui disent « Rendez grâce au Seigneur de l’univers ! Oui, le Seigneur est bon ! Oui, éternel est son amour ! », en présentant le sacrifice d’action de grâce dans la maison du Seigneur. Car je ramènerai les déportés du pays ; ce sera comme autrefois, dit le Seigneur.

Dans ces mots, éclate par avance la jubilation de Dieu à la pensée du bonheur dont il comblera son peuple purifié au creux du malheur. Et après s’être réjoui de la reprise des activités pastorales, signe de paix et de prospérité retrouvées (v. 12-13), le Seigneur annonce l’établissement d’un nouveau David (voir la lecture). Il n’a pas oublié, en effet, que les principaux responsables de la catastrophe de l’exil, ce sont les rois. Non seulement ils n’ont pas empêché que le peuple s’éloigne de l’alliance ; ils lui ont même montré le chemin en rejetant le Seigneur et en s’obstinant à ne pas écouter ses prophètes. Aussi, pour garantir le retour du bien-être, il sera nécessaire de susciter en Israël un roi qui, comme David, saura garantir les conditions d’un vivre-ensemble harmonieux par l’exerci­ce du droit et de la justice. Voilà qui affermira le « salut » et la « sécurité ». Le Seigneur, en effet, peut poser les bases de l’épanouissement collectif et de la confiance mutuelle qui permet de vivre dans la sérénité. Mais cela ne pourra se concrétiser qu’avec la collaboration d’êtres humains soucieux de mener une vie droite sous le regard d’un roi qui en sera le garant et montrera la voie.

Cela dit, il reste une question que ne peuvent s’empêcher de poser ceux qui sont désemparés en raison de la détresse qu’ils vivent. Peut-on vraiment croire qu’un Dieu qui abandonne le peuple à son malheur n’attend que le jour où il pourra susciter un descendant à David qui garantira de nouveau son bonheur ? C’est sur cette question que se referme le livret (v. 23-26) :

La parole du Seigneur fut adressée à Jérémie : « N’as-tu pas remarqué ce que dit ce peuple : “Les deux familles que le Seigneur avait choisies, il les a rejetées” ? Et mon peuple, ils le méprisent au point qu’il n’est plus pour eux une nation !

Ainsi parle le Seigneur : Si je n’avais pas établi mon alliance avec le jour et la nuit, ni les lois du ciel et de la terre, alors je pourrais aussi rejeter la descendance de Jacob et de mon serviteur David, et ne pas prendre en elle des gens gouvernant la descendance d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Mais non ! Je changerai leur sort, je serai plein de miséricorde envers eux.» 

Pour ceux qui objectent, Israël et Juda ne sont plus un « peuple », mais seulement deux familles que le Seigneur avait choisies puis qu’il a rejetées. C’est un Dieu capricieux, arbitraire ! Non, répond le Seigneur ! L’alternance du jour et de la nuit, la permanence de la création manifestent qu’il est un Dieu fiable qui respecte ses engagements, les alliances qu’il a conclues. Dès lors, il n’y a aucune raison de douter qu’il ne sera pas fidèle aux engagements qu’il a pris solennellement envers Israël (la descendance de Jacob) et envers David, de confier le peuple à un de leurs descendant. Et de répéter l’essentiel de l’engagement qu’il prend à présent en raison de sa miséricorde. Ce dernier mot résonne ainsi comme la clé de l’histoire. Parce que le sort d’Israël lui tient aux entrailles, il est nécessaire d’en éradiquer le mal qui le conduit à la mort, comme cela est visible dans les malheurs qui le frappent au moment où Dieu parle avec Jérémie. Parce que le sort d’Israël lui tient aux entrailles, le Seigneur ne peut se résigner à la mort de ce peuple, car sa volonté inchangée est de le voir libre, vivant et heureux.

La venue du Fils de l’humain (Luc 21,25-28.34-36)

[Jésus parlait à ses disciples :] « Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles, et sur terre, détresse de nations désemparées par le fracas de la mer et des flots. Des humains rendront l’âme de peur, dans l’attente de ce qui doit arriver au monde, car les puissances des cieux seront ébranlées. Alors, on verra le Fils de l’humain venir dans une nuée, avec puissance et grande gloire. Quand choses événements commenceront, redressez-vous et relevez vos têtes, car votre rédemption approche. […][1]

Prenez garde à vous-mêmes, de crainte que vos cœurs ne s’alourdissent dans les beuveries, l’ivresse et les soucis de la vie, et que ce jour-là ne tombe sur vous à l’improviste. Comme un filet, il s’abattra, en effet, sur tous les habitants de toute la terre. Restez éveillés, priant en tout temps pour que vous ayez la force d’échapper à tout ce qui va arriver, et de vous tenir debout devant le Fils de l’humain. »

Pour le commentaire de ce passage de l’évangile de Luc (notamment la figure du Fils de l’hu­main), on se rapportera utilement à celui qui a été fait du passage parallèle dans l’évangile de Marc (voir 33e dim. B, il y a 2 semaines). Plus théâtral que Marc dans sa description de la dé-création par retour au chaos précédant la venue du Fils de l’humain, Luc implique les trois espaces ménagés par le créateur : le ciel, la terre et les humains, la mer, tous en proie à des bouleversements. Il évoque l’impact de ceux-ci sur les gens : la panique s’emparera d’eux, les nations seront désemparées. Mais pour les disciples de Jésus, ces événements ne sont pas une mauvaise nouvelle : c’est le début de la « rédemption », cette intervention de Dieu qui, comme un parent, un proche, délivrera de tout esclavage celles et ceux qui se sont attachés à lui. Une telle perspective ne peut que provoquer un sursaut chez ces derniers.

La seconde partie s’enchaîne à la parabole du figuier (zappée ce dimanche) par laquelle Jésus annonce que le délai est proche, pour cette génération. Voilà pourquoi il importe que les disciples restent attentifs et évitent de se laisser abrutir, que ce soit par les divertissements, la bonne chère ou les difficultés de l’existence. Rester éveillé, demeurer proche de Dieu par la prière, tel est le bon moyen de ne pas se laisser surprendre, de ne pas se laisser ébranler, et d’accueillir le Fils de l’humain et la délivrance qu’il apporte en étant debout, la tête haute. Certes, pour le monde, sa venue est pour la fin des temps. Mais pour un disciple, cette venue peut aussi survenir à tout moment, et provoquer l’ébranlement de son monde, d’une façon de voir l’existence, d’une manière de vive sa vie ; elle peut lui offrir la possibilité d’être libéré de ce qui entrave la vie, libéré d’esclavages ou de prisons où il (ou elle) était enfermé(e), sans en avoir eu conscience jusque-là.

André Wénin


[1] Le passage sauté ici (v. 29-33) est parallèle à Marc 13,28-31 qui a été lu le 33e dim. B (soit il y a 2 semaines).

Bible et liturgie

Commentaires des lectures du dimanche par André Wénin

L’Église ne sait pas ce qu’elle perd à négliger le Testament de la première Alliance…

Les textes qu’on lira sous cette rubrique ne sont pas des homélies. J’y propose plutôt un commentaire, à mi-chemin entre une analyse exégétique et une lecture attentive à la fois au texte biblique et à la réalité humaine qui est la nôtre.
La traduction des textes commentés (le plus souvent les passages de l’Ancien Testament et de l’évangile) est très souvent corrigée. La version liturgique est globalement insatisfaisante, en effet. Elle lisse le texte au point d’en gommer les difficultés, c’est-à-dire précisément les points où peut venir "s’accrocher" le commentaire parce qu’ils posent question. Quant au texte de l’Ancien Testament, il est fréquemment amplifié de manière à restaurer le passage dans son intégralité en vue du commentaire. 

André Wénin