6ème dimanche de Pâques

Auteur: Philippe Cochinaux
Date de rédaction: 22/03/22
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : C
Année: 2021-2022

« Mes chers enfants, je vous quitte... Je vais tous vous bénir, sans exception, vous pour qui j'ai tant prié tous les jours de ma vie, pour que vous soyez des foyers heureux et chrétiens et que vous restiez tous unis ». Ces paroles sont en fait les dernières prononcées par mon grand-père maternel. Après avoir dit ces quelques mots, il a béni ses huit enfants puis s'en est allé tout en douceur et en confiance de l'autre côté de la lumière. A suivi alors le temps de l'apprentissage de l'absence, d'un deuil à devoir faire pour continuer à vivre, une occasion d'enraciner sa propre vie dans ce qu'il avait semé en chacun de ses enfants et de ses petits-enfants. Chaque fois que nous faisons l'expérience d'un deuil, nous sommes forcés de faire ce type de chemin alors que souvent nous ressentons un vide, une grande absence, un profond silence.

Les morts nous entendent-ils ? Y a-t-il vraiment quelque chose après cette vie ? Nous n'avons aucune certitude. Seulement une espérance. Seulement une foi en celui qui a dit à ses amis : « je m'en vais et je reviens vers vous ». Une phrase on ne peut plus paradoxale puisque le Christ dit en même temps : je pars et je ne pars pas. Nous avons l'impression qu'il dit une chose et son contraire. En tout cas, il ne nous a pas menti quand il a dit qu'il partait. Un peu comme s'il nous disait, aujourd'hui encore, vous ne me verrez plus. Faites-vous bien à cette idée. Vivez sans ma présence visible. Sans doute que je vous manque. Vous aimeriez peut-être voir mon visage, être certain de mon humanité et de ma divinité, contempler en mon regard toute la tendresse du Père pour ses créatures. Au contraire, le Christ nous laisse la place c'est-à-dire que tout ce que nous ne ferons pas nous-même ici sur terre pour améliorer l'humanité, il ne viendra pas le faire à notre place. Il nous respecte et nous laisse notre autonomie.

Ne soyons pas bouleversés, nous vivons tout simplement la vie telle qu'elle a été envisagée dans le plan de Dieu. Il s'en est allé, c'est vrai. Mais en même temps, il reste à nos côtés. Il n'est pas tout à fait parti. Il est là, présent, proche de nous, nous accompagnant sur cette traversée. Il est maintenant présence invisible et pourtant perceptible. Sa présence est plus profonde, plus intérieure. Elle s'enracine au plus profond de ce que nous sommes. Dorénavant, par l'Esprit, Dieu a choisi de se poser en chacune et chacun de ceux qu'il aime. L'Esprit poursuit son œuvre divine : il est ce souffle qui nous pousse à retrouver Dieu dans les traits de celle ou celui qui s'est perdu dans sa vie, de celle ou celui qui s'est enfermé dans une solitude de laquelle il n'arrive plus à sortir, de celle ou celui qui souffre de la blessure infligée par d'autres. Oui, Dieu le Fils est là, dans chacun de nos visages, dans l'étincelle de nos regards.  Si Dieu est aujourd'hui encore à l'œuvre dans notre monde, c'est par l'intermédiaire de l'Esprit. Un Esprit respectueux de nos libertés, de nos décisions, de nos choix. Un Esprit qui nous accompagne et ne nous lâche pas. Il est douce présence de Dieu sur notre terre. Dieu s'en est allé et pourtant il est toujours là. Il s'en est allé pour que nous puissions le chercher librement, l'aimer sans contrainte. Selon lui, notre dépendance à son égard n'a de sens que si elle est librement consentie, que si cet amour réciproque est une réponse personnelle liée à ce désir de vivre en lui. Mais en attendant un tel jour, Dieu ne souhaite pas nous laisser dans une absence insupportable, insoutenable c'est pourquoi, depuis ce jour, Dieu l'Esprit est à nos côtés. A chacune et chacun de le trouver. Ne le cherchez pas au loin. Dieu l'Esprit est en vous et chez votre voisin. C’est ce qu’écrivit Etty Hillesum dans son journal intime: « Il y a des gens, je suppose, qui prient les yeux levés vers le ciel.  Ceux-là cherchent Dieu en dehors d’eux.  Il en est d’autres qui penchent la tête et la cachent dans leurs mains.  Je pense que ceux-ci cherchent Dieu en eux-mêmes ». Nous savons maintenant ce qu’il nous reste à faire.

Amen.