Nativité du Seigneur

Auteur: Philippe Cochinaux
Date de rédaction: 25/12/21
Temps liturgique: Temps de Noël
Année liturgique : C
Année: 2021-2022

Trois hommes avaient reçu cet ordre : « pendant les semaines qui viennent votre tâche sera de casser des cailloux ». Ils se mirent aussitôt au travail. Un promeneur qui passait par là demanda au premier : « mais que faites-vous donc cher monsieur ? ». « Cela ne se voit pas, maugréa-t-il, je suis en train de m'ennuyer à devoir casser des cailloux, et en plus, ils m'obligent à travailler dehors ». Le promeneur poursuivit son chemin et posa la même question au deuxième qui, tout en souriant, lui répondit : « je profite du bon air, je travaille à l'extérieur et cela me fait un bien fou tout en cassant ces tas de cailloux ».

Continuant sa route, il croisa alors le troisième homme qui rayonnait de bonheur et de paix intérieure. « Que faites-vous donc cher monsieur ?», s’enquit-il à nouveau. « Moi, je construis une cathédrale ». Trois hommes face à une même tâche. Trois hommes qui réagissent à partir de ce qu'ils sont, de ce qu’ils vivent et surtout de ce qu’ils ressentent. Comme quoi, le poète avait bien raison, en affirmant que ce n'est pas l'événement qui fait la vie mais la manière dont nous le vivons.  En cette nuit de Noël, se pose alors la question de savoir si, entre ces trois hommes et nous, il existe une grande différence lorsque nous nous situons face à l'événement de la crèche. En effet, je peux passer à côté de celle-ci en bougonnant et en m'étonnant de cette idée saugrenue que Dieu puisse être né dans une étable et posé ensuite dans une mangeoire. D’autre part, je peux me réjouir de la naissance de cet enfant Jésus avec tout ce que cela représente d'inconnu, de perspectives de vie, de beauté et de vulnérabilité. Je peux enfin m'émerveiller car je reconnais en lui l'enfant Dieu. Face à un tel mystère, je trouve peu de mots pour exprimer l’indicible. Et il est heureux qu’il en soit ainsi. 

Cela fait un peu plus de deux mille ans maintenant que les êtres humains fêtent Noël.  Nous pourrions nous dire que nous connaissons la suite de l’histoire, qu’il n’y a plus de mystère. Dans l’événement de Noël, Dieu donne, mieux encore Dieu se donne tout entier à son humanité.  Il nous fait don de lui-même.  Mais il le fait de manière étonnante en naissant à nous-mêmes, en naissant pour nous-mêmes.  Une fois encore, nous sommes comme des jeunes parents, avec leurs questions,  face à l’enfant qui vient de naître : que deviendra-t-il ?  Qui sera-t-il ?  Quel sera son caractère ?  Quelles seront ses forces et ses fragilités ?  Personne ne peut répondre à de telles interrogations.  Et c’est précisément pour cela qu’il est heureux que nous puissions célébrer chaque année Noël.  En effet, face à l’Enfant-Dieu, il est indispensable que nous ayons la même attitude.  Nous avons à rester humble et à accueillir à nouveau le mystère. Et ce, même si nous connaissons la suite de l’histoire avec le temps de la prédication du Christ, de l’événement de sa mort et de sa résurrection.  A nouveau, nous sommes conviés à ne pas prétendre avoir tout compris, à ne pas prétendre tout savoir comme si nous étions rationnellement capables de maîtriser le mystère de l’incarnation.  Noël nous invite à nous repositionner comme croyant et ne jamais nous enfermer dans la posture de sachants.  Se prétendre un sachant face au mystère de Dieu est une imposture.  Car ce serait prétendre que tout a été dit une fois pour toute dans l’événement de Noël.  Oui, Dieu s’est bien donné en cette nuit mais son don n’est pas un don unique mais plutôt un don continu.  Chaque jour, chaque minute, notre Dieu continue de se donner à nous.  Son Esprit est à l’œuvre au cœur de notre humanité.  Il nous inspire pour que nous respirions de sa propre divinité.  S’il en est ainsi, il est heureux que nous ne sachions pas tout saisir mais que nous ayons assez d’humilité pour nous laisser émerveiller par un tel événement.  Non seulement nous laisser émerveiller mais mieux encore nous laisser transformer par celui-ci dans le quotidien de nos vies.  Dieu se donne à nous pour que nous nous donnions à notre tour à Lui.  Cela se fait tout simplement, tout tendrement lorsque nous rayonnons de sa paix, de sa douceur et de son amour auprès de celles et ceux de qui nous nous faisons proches.  Noël, n’est pas un jour.  Noël c’est toujours lorsque notre vie s’écrit avec l’encre de Dieu.  Arrêtons-nous, méditons et surtout accueillons ce mystère qui nous dépasse tout en donnant une autre saveur à nos existences. Laissons-nous habiter par un tel merveilleux mystère et construisons à notre tour des cathédrales d’Amour.  Joyeux Noël.

Amen