Pentêcote

Auteur: Philippe Cochinaux
Temps liturgique: Temps de Pâques
Année liturgique : B
Année: 2020-2021

Avez-vous déjà remarqué que la Pentecôte est une histoire à couper le souffle. Elle est tellement extraordinaire, que je manque de souffle pour vous la raconter au risque même de m'essouffler sans pour autant craindre de rendre le souffle. La vie vaut tellement la peine d'être vécue. Reprenant alors mon souffle, je me dis que c'est époustouflant ce qui est arrivé il y a deux mille ans. Il est d'ailleurs étonnant de constater que cette fête de la Pentecôte n'a plus tellement la côte parmi de nombreux chrétiens aujourd'hui.



Ce qui en fait sa spécificité dans notre pays, c'est la réponse que je reçus un jour dans un auditoire.  Je demandais aux étudiants quand était la Pentecôte et l’un d’entre eux me répondit : un lundi parce qu’il y a le lundi de Pentecôte. Cette réponse a de quoi nous attrister en tant que croyantes et croyants car la Pentecôte est une des fêtes les plus importantes de notre foi. Sans elle nous ne serions pas là où nous en sommes aujourd’hui. C’est sans doute dû au fait que peu ont gardé en mémoire la richesse du temps de Pâques, ces cinquante jours de joie, d'espérance qui se clôture par la fête de la vie.  En effet, la Pentecôte est l'histoire de la vie puisque l'absence de souffle est synonyme de mort. Notre souffle est notre respiration. Mais avoir du souffle va bien au-delà de cette métaphore, avoir du souffle c'est pousser jusqu'à leurs limites, les forces de vie et d'amour que nous portons en nous, écrit Charles Singer. C'est repousser les limites qui empêchent d'aimer jusqu'au bout. C'est tout simplement laisser fleurir jusqu'à l'épanouissement la vie qui habite en chacune et chacun de nous. En ce sens, le souffle divin est une folie, la folie de Dieu.

Avec la Pentecôte, est né un nouveau concept : celui de la folie de Dieu. Un peu comme si Dieu attendait de nous de devenir des êtres fous à lier mais à lier d'amour. Et cela passe par la folie du souffle de l'Esprit, cet Esprit d'amour. La folie de Dieu n'est d’ailleurs jamais très loin. En ce temps de pandémie, je me risque à cette comparaison hasardeuse.  La folie de Dieu est très contagieuse. Aucun vaccin ne lui résiste même si les antibiotiques de la bêtise humaine, de l'orgueil, du désir de puissance et d'écrasement de l'autre peuvent l'empêcher pendant un temps, parfois long, d'éclore et de prendre toute la place qui lui est due. Certains essayent même de faire des OGM de folie, c'est-à-dire de remplacer la folie de Dieu par la folie des hommes. Absurdité. Il n'y a pas d'autres mots. La folie des hommes conduit toujours à la mort. L'histoire contemporaine ne peut hélas démentir mes propos. Par contre, la folie de Dieu, elle conduit à la vie, au bonheur en soi mais toujours avec les autres par le Tout Autre. La folie de Dieu est le rêve d'un monde à réaliser, un monde d'amour et de paix, en fait un monde qui commence avec et par nous.

L'Esprit de Dieu est le nom le plus secret et le plus clair pour dire ce qu'est la vie divine au-dedans de ma vie humaine. Esprit de Dieu, tu es le souffle qui ne me fait jamais défaut, ce souffle si nécessaire à la pensée et au rire, ce souffle qui impose le silence à cette voix noire des sagesses et des raisons lorsque ces dernières sont détournées de leurs finalités pour le bien de quelques uns, ce souffle qui se dévoile comme un brin de folie, ce souffle, cet air qui rafraîchit mon cœur et fait de chaque être humain une place battue par tous les vents divins.  Esprit de Dieu, Souffle de Dieu, tu deviens ainsi l'air dont je ne peux me passer et avec qui j'ai envie de vivre à tout instant. Tu es cette part insaisissable en chacune et chacun de nous. Tu es ce lieu intérieur duquel nous ne revenons jamais puisqu'il trace notre unité la plus profonde, la plus respectueuse de notre identité. Le souffle de Dieu est notre respiration. L'Esprit de Dieu est notre inspiration. Fort de notre liberté, laissons la divinité être à l’œuvre au plus intime de nous-même. En nous inspirant, elle nous permet de poser des actes, d’oser des gestes de tendresse, de dire des phrases qui participent à la folie de l'amour, folie de Dieu par excellence. En fait, Dieu attend de chacune et chacun de nous d'être des gens doués. Non pas de dons qui conduisent à un bien-être matériel. Dieu nous convie à l'éternité. C'est pourquoi, il nous offre un don tout intérieur qui sommeille en nous. Ce don-là, c'est celui de devenir des êtres doués mais doués de l'Esprit Saint. Tel est le sens de la Pentecôte. N'est-ce pas une superbe fête ? Soyons alors ces êtres doués de l'Esprit divin.  Bonne fête de Pentecôte à chacune et chacun d’entre vous.

Amen